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Montréal, le 23 juin 2020 – Créer une société juste commence par la reconnaissance de cette vérité fondamentale quel’humanité est une. Il ne suffit pas de croire cela dans nos cœurs ; au contraire elle doit stimuler un devoir moral d’agiret de voir tous les aspects de notre vie personnelle, sociale et institutionnelle sous la loupe de la justice. Cela impliqueune réorganisation de notre société d’une manière plus réfléchie que tout ce que nous avons déjà accompli. Ceci exigela participation de tous les êtres humains de toutes races et de tous les milieux, car ce n’est que par une telleparticipation inclusive que de nouvelles orientations morales et sociales peuvent émerger.

L’un des premiers bahá’ís de Montréal, Rowland Estall, nous donne le compte rendu suivant du travail de Mme Maxwell parmi les Afro-Canadiens de Montréal :

La maison (Maxwell) était pleine de gens, les bahá’ís et de nombreux membres de l’Église unie noire dont le révérend Charles Este était pasteur. Mme Maxwell s’était adressée à la congrégation du révérend Este le dimanche précédent et avait invité la congrégation à lui rendre visite le jeudi suivant ! j’étais assis à côté de Mme Maxwell dans le bureau de M. Maxwell. Au cours de la soirée, la femme de chambre est venue et nous a dit que Mme Maxwell était recherchée à la porte d’entrée. Un policier était arrivé à la suite d’une plainte d’un voisin selon laquelle il y avait eu des perturbations dans le quartier.  Mme Maxwell a dit qu’elle entretenait tout simplement ses invités et a prié le policier d’entrer et à voir par lui-même. Quelque peu gêné et visiblement surpris par le charme et la gentillesse de Mme Maxwell en l’invitant à entrer, il s’en a pris et est parti. Il s’agit d’un incident qui démontre l’hostilité de certains voisins dans ce quartier résidentiel exclusif à l’époque et l’insouciance de Mme Maxwell pour les préjugés de ses voisins..

Cet événement aurait pu faire partie d’une activité conjointe avec les travaux du International Amity Committee qui a eu une réunion locale réussie à Montréal en 1929-1930.

La visite à Montréal de Louis Gregory, le plus éminent afro-américain bahá’í, au cours de l’été 1924, avait sans douterenforcé le propre travail de May Maxwell dans les relations raciales. En 1927, la communauté bahá’íe d’Amérique duNord avait atteint un tournant dans l’amélioration de son climat racial. Lorsque la 19e Convention nationale de lacommunauté nord-américaine bahá’íe s’est tenue à Montréal en avril, la question de race « a été longuement discutéeet avec une franchise sans précédent ». Quelques jours avant la Convention nationale, l’Assemblée spirituellenationale avait organisé une « Conférence mondiale de l’unité » les 24 et 28 avril 1927 et les bahá’ís de Montréalavaient également tenu une Race Amity Meeting les 2 et 4 mars 1930.

Ce qui suit est un récit oculaire de la rencontre d’Abdu’l-Bahá avec quelques jeunes à New-York, en 1912 :

Abdu'l-Bahá se tenait à la porte et accueillait chacun des visiteurs, tantôt avec une poignée de mains, tantôt avec un bras passé autour des épaules, mais toujours en souriant et riant aux éclats comme s'il eût été un de leurs camarades. Les jeunes garçons paraissaient du reste fort à leur aise et n'éprouver aucune gêne dans ce cadre inaccoutumé. Parmi les derniers qui entrèrent se trouvait un enfant d'environ treize ans, à la peau d'un noir d'ébène. Seul de sa race dans le groupe, il craignait évidemment de ne pas être le bienvenu. Aussitôt qu`Abdu'l-Bahá le vit, son visage s'éclaira d'un sourire céleste. Il leva la main en un geste d'accueil royal et s'écria d'une voix forte afin d'être entendu de tous : "Ah ! voici une rose noire !"

Un grand silence se fit dans la chambre. Le visage noir s'illumina d'une joie presque supra-terrestre. Les autres garçons le regardèrent avec de nouveaux yeux. Je crois qu'on l'avait souvent appelé de bien des noms en y ajoutant le mot noir mais jamais encore on ne l'avait qualifié de rose noire.

Cet incident significatif avait complètement modifié l'ambiance. L'atmosphère de la pièce semblait chargée maintenant de vibrations subtiles que chaque âme ressentait. Les jeunes gens, sans rien perdre de leur aisance ni de leur simplicité, étaient plus graves et concentraient plus leur attention sur `Abdu'l-Bahá. Je les vis à plusieurs reprises lancer des coups d'œil furtifs vers leur camarade noir et ils avaient l'air de réfléchir. Pour les quelques amis présents dans la chambre, cette scène évoquait des visions d'un monde nouveau, où chaque créature serait considérée comme étant un enfant de Dieu et traitée comme tel. Quel changement dans New York, pensais-je, si ces garçons gardaient de cette visite un souvenir assez intense pour que, durant toute leur vie, en rencontrant des représentants des différentes races répandues dans la grande ville, ils parviennent à les considérer et à les traiter comme des fleurs de teintes diverses dans le jardin de Dieu. En libérant de ce seul préjugé l'esprit de ces quelques créatures, on procurerait certainement le bonheur a des milliers d'autres âmes et on les guérirait de leur rancœur. Comme il est facile et simple d'être bon, mais aussi comme nous sommes difficiles à éduquer !

À l'arrivée de ses visiteurs, `Abdu'l-Bahá avait fait chercher des bonbons, et on lui apporta une grande boîte de chocolats de luxe assortis, pesant bien cinq livres. Quand l’emballage fut enlevé, il fit le tour de la pièce et, plongeant la main dans la boîte, donna à chaque gamin une grande poignée de chocolats, en l'accompagnant d'un mot aimable et d'un sourire. Il retourna ensuite vers la table et y posa la boite qui ne contenait plus que quelques bonbons. Il choisit un chocolat de forme allongée, fourré de nougat, et d'un brun très foncé. L'ayant considéré un instant, il reporta les yeux sur le groupe des jeunes garçons qui l'observaient attentivement et dans une attitude d'expectative. Sans mot dire, il traversa la pièce, se dirigea vers le jeune noir puis, toujours en silence, mais en lançant au petit groupe un regard perçant et plein d'humour, il approcha le bonbon de la joue noire. Quand il enlaça de son bras les épaules du jeune garçon, son visage rayonnait d'une joie qui semblait illuminer toute la pièce. Point n'était besoin de mots pour exprimer sa pensée, sans aucun doute, les garçons l'avaient comprise.

Vous voyez, semblait-il dire, il n'est pas seulement une fleur noire, mais aussi un bonbon noir. Vous mangez des chocolats noirs et vous les trouvez bons ; peut-être trouveriez-vous votre frère noir excellent aussi une fois que vous auriez goûté sa douceur.

Un silence impressionnant régna de nouveau dans la chambre. Tous les jeunes gens regardèrent encore une fois leur camarade noir avec une réelle surprise, comme s'ils ne l'avaient jamais vu auparavant, ce qui était bien le cas, en vérité. Quant au petit noir vers lequel tous les regards étaient maintenant dirigés, il ne semblait avoir conscience que d`Abdu'l-Bahá. Ses yeux étaient fixés sur le maître avec une expression d'adoration et de félicité telles que je n'en avais encore jamais vues sur aucun visage. Pour l'instant, il était transfiguré. La réalité de son être intérieur se manifestait au dehors, et l'ange qu'il était en vérité se révélait.

Photos : 'Abdu'l-Bahá'í avec les enfants, New York 1912

Louis Gregory et son épouse anglaise Louisa Mathew Gregory

Références : 'Abdu'l-Bahá'í – Mahmud’s Diary

W.C. van den Hoonaard,  The Origins of the Bahá’í Community of Canada

Howard Colby Ives, Les voies de la liberté

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